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230. LE SOLEIL EN GRÈVE
LE SOLEIL EN GRÈVE
Le soleil au soir couchant envahit la grève où dernières vaguelettes de la journée lèchent le sable.
De l'or, le ciel mouchette ses nuages et réchauffe son étendard d'été, avant que la nuit ne tombe.
L'astre, faisant son feu de cheminée, recrée l'ambiance intime dont la plage désertée est le décor,
Les reflets et le bruit de l'onde, mouvante, en accentuent tant la beauté que chacun y succombe.
Que fait-il ainsi à nous illuminer de la sorte, quelle face cachée nous montre-t'il, se fait-il Diable ?
Même les oiseaux ébahis profitent du spectacle, bec en l'air et pattes dans ce pédiluve ensoleillé,
A cette heure où la plage y reprend ses droits sur les vacanciers, c'est là un juste régal des yeux,
Chaque soir réinvente l'harmonie du paysage, jamais le même, jour après jour, que sera demain ?
Les quelques promeneurs avisés savent qu'en respectant la nature, on ne contrarie pas les cieux,
Qui suivent du regard les facéties des hommes, tantôt s'en amusant, tantôt sachant les gronder.
Quelques crêtes de vagues rougissent, se réchauffant encore aux rayons généreux et pâlissants,
L'illusion des flammèches dans l'âtre brûlant au loin éclabousse la toile de ses éclats éphémères,
Qui donne au regard tant de raisons de s'éblouir et croire à la douceur du soir, beauté du Monde.
Il n'y aura plus dans quelques instants de différences de tons entre ciel, grève, vagues sur la mer,
Le sable frissonne au vent qui sous peu, glacera la plante des pieds des promeneurs du couchant.
Les rochers à cette heure fragile prennent des reflets précieux d'Améthystes sous le ciel d'opaline,
Dont les reliefs tourmentés s'adoucissent en rondeurs, baignant dans une presque nocturne lueur,
Font de la mer une source incertaine d'apaisement, l'encre la rendant plus sensible aux tourments.
A chaque vague qui vient mourir, lentement, tout le long de la plage, on sentirait battre son cœur,
On rêverait à l'instant de voir apparaître au milieu des flots en sirène des lieux, la délicate Ondine.
La peinture délave sa palette et petit à petit grise rochers affleurants, ombre de mauve l'horizon,
Baissant peu à peu l'abat-jour sur l'ampoule Soleil qui grille ses feux diurnes jusqu'à les éteindre,
Boutons d'or, rouges ou ocrés, ils s'affaiblissent, se ternissent, parsemant l'azur bleu changeant.
La mer le suit mouvant ses doux clapotis moussus au bord de la grève et va cesser de l'étreindre,
Bientôt apaisera les flots sombres, finira par trouver la pénombre légère, à la nuit donnera le ton.
Qu'on soit du bord de l'eau ou d'ailleurs, rêve d'enchantement est pour chacun le même, illuminé,
Qu'on garde en mémoire, dont on fixe l'instant présent sur photo pour mieux en conserver le goût,
Un rendez-vous aux odeurs d'embruns dont la beauté certaine ressemble dans nos yeux à l'amour,
Qui tous les soirs guide nos pas sur le sable à travers les oyats, ce moment où, entre chien et loup,
Le soleil pose à l'heure son préavis sur la grève, défilant ses derniers rayons, avant de se coucher.
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